Histoire De Collectionneur: Eden Pritikin

Eden Pritikin n'a pas grandi dans le milieu de la mode, à l'exception d'une paire de talons Louboutin rose vif à imprimé guépard qui appartenait à la mère de son amie d'enfance, mais elle a plus que rattrapé le temps perdu : à seulement 24 ans, fraîchement diplômée du London College of Fashion, elle s'est imposée comme l'une des principales collectionneuses de Balenciaga époque Nicholas Ghesquière, en partie grâce à une rencontre fortuite avec le désormais emblématique haut à imprimé plongée du printemps 2003 du créateur. « J'étais si bouleversée émotionnellement que j'ai commencé à pleurer dans le magasin », se souvient-elle. « Je voudrais juste retrouver ce sentiment encore et encore.» Ici, Pritikin parle de ses archives, des hauts qui lui procurent de fortes émotions et de la pièce qui a atterri sur la couverture de Self Service.

Quel est votre premier souvenir mode?

La mode n'est pas un milieu dans lequel j'ai grandi. Je pense que le monde des réseaux sociaux m'a aidé à m'éduquer dans le sens où j'ai pu définir mes propres goûts et comprendre ce que j'aimais, alors j'ai fait une plongée en profondeur - juste pour ma propre référence - vers 2013. Je suis remontée vers les collections des dix dernières années des grands créateurs et vient de les étudier. Ce qui m'a permis de me souvenir très facilement des marques et des saisons, ce sont les mannequins qui portaient les vêtements. J'ai gardé un énorme dossier sur mon ordinateur - il était simplement intitulé MODÈLES - qui était une encyclopédie des modèles et de tous les défilés auxquels ils avaient participé. J'avais probablement dix ans de photos de défilés pour au moins 50 modèles sur mon bureau. J'ai dû le supprimer finalement parce qu'il était juste beaucoup trop gros!

Pourquoi êtes-vous attirée par le Balenciaga de Nicolas Ghesquière?

Balenciaga de Ghesquière a été l'une des premières marques que j'ai vues. Tout ce que j'ai vu après cela, je n’ai fait que le comparer et j'ai trouvé que rien ne pouvait vraiment se mesurer à l'excitation émotionnelle que j'ai ressentie lorsque j'ai vu ses créations. Je pense que ce qui m'a le plus marquée à l'époque, ce sont ces pantalons de plongée à taille haute et ces hauts courts de plongée de la collection printemps 2003. Je me souviens les avoir vus et avoir pensé "Wow, il est tellement en avance sur son temps." Les imprimés et les thèmes de la collection, en particulier cet imprimé jungle, m'ont paru extrêmement beaux. Cela me rappelle mon tableau préféré, le Gitan endormi d'Henri Rousseau, que je regarde en ce moment dans mon appartement. Plus tard, j'ai fait mes propres recherches sur la trame de fond de l'impression et j'ai découvert qu'elle provenait du jardin secret du Mirage à Las Vegas où vous pouvez nager avec les dauphins.

Je me concentre sur 2000-2004, donc c'était à l'époque où le volume de production était très faible et il n'était pas tellement contrôlé par ce qui se vendait d’un point de vue commercial; il avait beaucoup plus de liberté pour vraiment explorer ses vraies envies de designer. Ce que je respecte vraiment à propos de ça, c'est que son travail ne ressemblait à rien de ce que l’on pouvait voir à l'époque. Ce n'était pas aussi sage et aussi abouti que ce que vous voyez aujourd'hui. Il travaillait avec la styliste Marie-Amélie Sauvé, mais il y avait quand même quelque chose de légèrement brouillon. On aurait dit qu'il n'essayait pas de faire quelque chose de parfait, il expérimentait et ça marchait. La transition entre le podium et une garde-robe étaient toutes trouvées. Le meilleur exemple en est la collection printemps 2002: les pièces en patchwork de soie sont aussi belles sur le podium qu'accrochées dans mon placard. Ce sont des pièces que je sors de temps en temps juste pour les regarder.

Comment avez-vous commencé à collectionner?

Quand j'étais au lycée, j'ai découvert ces sites de revente en ligne sur lesquels j’ai passé un temps infini, j'ai ainsi réalisé très rapidement que je pouvais m'offrir des vêtements de créateurs, même s'ils n'étaient pas tout neufs. Je pense que la première pièce Ghesquière que j'ai eue était un t-shirt imprimé jungle - même pas une pièce de défilé - que j'ai trouvée sur eBay. Je pense que cela coûtait 100 $ à l'époque, alors j'ai économisé pour pouvoir l’acheter. Je me souviens l'avoir porté avec fierté. La pièce suivante a été un pantalon en brocart de soie du printemps 2006. Il ne m’allait pas et je me souviens avoir été dévastée. Je me suis donnée pour mission de trouver plus de ses pièces. Je n'avais aucune idée de l'immensité du marché vintage. Je ne savais pas où chercher, mais je me suis mise à voir ce que je pouvais trouver et surtout me permettre. La pièce que j'ai achetée ensuite était cette veste d'équitation de l'automne 2006. Je me souviens que je l'avais portée dans un studio à Londres pendant la Fashion Week et quelqu'un était venu me voir pour me demander si c'était l'automne 2006. C'était la première fois que quelqu'un reconnaissait ce que je portais et ça m’avait mise dans tous mes états. Quelque chose s'est allumé en moi ! J'ai réalisé que les gens étaient aussi intéressés par ces pièces que moi. Ce n'est que cet été, l'été 2017, que j'ai trouvé le véritable haut de plongée du printemps 2003. C'était la première fois que je voyais une pièce de ce calibre pour de vrai. J'étais tellement bouleversée émotionnellement que j'ai commencé à pleurer dans le magasin. Collectionner est devenu la poursuite d'un état émotionnel. Je cherche simplementà retrouver ce sentiment encore et encore.

Quel est votre modus operandi pour trouver ces pièces?

Quand j'ai commencé, je prenais tout ce que je pouvais trouver. Maintenant, je suis beaucoup plus attentive à ce que j'achète - et quand je trouve une pièce que je cherchais ou quelque chose qui complète un look complet, c'est beaucoup plus un sentiment de satisfaction qu'une montée d'adrénaline.

C'est probablement une opinion impopulaire, mais j'aime aussi beaucoup les pièces qui ont été portées. Il ne s'agit pas seulement de collecter les vêtements, mais aussi de collecter les souvenirs et de laisser d'autres personnes créer des souvenirs avec ces pièces. J'ai une pièce du printemps 2001 - un simple débardeur blanc avec un foulard dans le dos - qui est criblé de taches d'oxydation, mais je ne l'avais jamais vu sur le marché et je ne connaissais personne d'autre qui avait ce haut, donc pour moi, c'est comme posséder un morceau d'histoire. Je sais qu'il a été aimé, et maintenant il peut être apprécié dans un cadre différent.

Portez-vous une partie de votre collection?

J'avais l'habitude de porter mes pièces - en fait, c'est la raison pour laquelle je les achetais - jusqu'à ce que quelqu'un souligne leur valeur financière en tant qu’objects anciens. Je me suis fait la réflexion que je ne devrais probablement pas les porter juste au cas où un jour ils iraient dans un musée ou une institution. Cela dit, je porte définitivement certaines des vestes, comme une veste western courte de 2003 que j'adore pour l'automne. J'ai porté un haut d'escrime du printemps 2003 au dîner d'anniversaire de mon meilleur ami un été; quelques mois plus tard, il a été demandé par Self Service et il a fait la couverture. Je ne suis vraiment pas si fermée. En fin de compte, ce sont des vêtements. Ils sont censés être habités, ils ne vont pas rester immaculés tout au long de leur vie.

Vendez-vous parfois des pièces de votre collection?

En fait, je vends mes pièces assez régulièrement. Si j'ai une pièce un peu à part et qui ne fait pas partie d'un look de défilé, ou si elle ne fait pas partie d'une collection qui me passionne, je ne suis pas opposée à la vendre à un collectionneur qui, je le sais, va l’adorer et l'apprécie plus que moi. Je ne suis vraiment pas sur la thésaurisation de tout ce qui est sur le marché. Je ne considère pas la collection comme un jeu que je dois gagner. Je ne pense pas que ce soit de cela qu'il s'agit. J'admire les autres collectionneurs et j'essaie vraiment de les aider aussi ; il y a certaines pièces que j'achèterais en pensant à un collectionneur spécifique. Ma principale raison de collectionner a toujours été que ces pièces soient finalement exposées sous une forme ou une autre. En ce moment, elles sont toutes rangées dans un placard dans mon appartement et, pour être honnête, je ne me souviens pas de la dernière fois que je l'ai ouvert. Le but pour moi est que ces pièces soient accessibles. Il y a certainement certaines pièces auxquelles je m'accrocherais, mais si vous me posez la question le mois prochain, ma réponse pourrait être différente.

Quelle est votre plus grande trouvaille?

Il y a cette écharpe en laine de l'automne 2002. Elle pend sur mon lit et je la regarde quand je m'endors le soir et quand je me réveille le matin. C'est très emblématique du Balenciaga de Ghesquière. Une autre signification cachée est que l'automne 2002 était la collection présentée au centre-ville de Gagosian et vivre à New York maintenant, c'est un rappel de cela. J'ai aussi trouvé l'autre version du défilé de la robe d'anniversaire Kate Moss du printemps 2002.

Votre achat le plus récent?

Mon achat le plus récent est ce haut orange brûlé de l'automne 2000. J'avais besoin du pantalon en cuir qui allait avec, et je connaissais un collectionneur qui l’avait, alors j'ai troqué une jupe en cuir de l'automne 2001 pour l’avoir.

Quelle est la pièce qui vous a échappé?

Une fois, j'ai trouvé ce haut licou cargo du printemps 2002, mais j'ai perdu l'enchère et j'ai été dévastée parce que j’aurais tout fait pour avoir cette pièce. Même pas 40 minutes plus tard, j'ai trouvé un top du printemps 2001 sur un site complètement par hasard. C'était une aussi bonne affaire. J'étais tellement submergée par ma trouvaille que j'ai appelé ma mère pour lui raconter!

Que cherchez-vous encore?

Des pantalon cargo verts. Si j'avais des pantalons cargo verts dans ma collection, je les porterais probablement. Je ferais une exception !

Mots confiés à Zoe Ruffner

DANS LA COLLECTION D’EDEN

une robe S/S 2003

 "SS03 est une collection qui va à contre-courant de tout le reste - des autres designers mais de Balenciaga lui-même. Je remarque sans cesse de nouveaux détails dans les robes, tops, pantalons etc. et j’adore l’imprimé jungle. Ma toute première pièce majeure vient du premier look - je m’en souviens comme si c’était hier!"