Les Seller Series : Clare Waight Keller

Chez ReSee, chaque pièce de seconde main a une histoire : une robe perlée des années 1920 peut avoir été transmise de génération en génération, tandis qu’un smoking aurait été réalisé par Monsieur Yves Saint Laurent pour Catherine Deneuve en personne. Tout cela est rendu possible grâce à notre communauté inégalée de déposants, qui nous accordent leur confiance précieuse. Dans la série Seller Series, des figures influentes du secteur et des collectionneurs d’exception ouvrent leurs archives et dévoilent les pièces iconiques dont ils se sont séparés (et celles qu’ils ne céderont peut-être jamais).

Depuis ses débuts chez Gucci aux côtés de Tom Ford, Clare Waight Keller a imaginé certains des vêtements les plus sublimes—et les plus portables—du XXIe siècle. Pourtant, lorsqu’il s’agit de s’habiller, l’ancienne directrice artistique de Chloé et Givenchy se tourne souvent vers des pièces du passé. « J’aime l’éclectisme de trouver des choses de différentes époques », explique Keller, dont l’impressionnante archive regroupe aussi bien des chemisiers victoriens impeccables que des manteaux en velours côtelé Saint Laurent des années 70, des tailleurs couture sur mesure ou encore des trésors uniques issus des podiums.

Elle évoque ici ses plus belles trouvailles vintage, comment elle prolonge la durée de vie de ses vêtements et les pièces d’exception qu’elle a consignées chez ReSee.

Quand avez-vous commencé à porter du vintage ?

J’ai commencé à la fin de mon adolescence, quand j’étais à l’université—d’une part parce que j’aimais vraiment l’idée de chercher et de dénicher des pièces, et d’autre part parce que j’étais étudiante et n’avais pas les moyens d’acheter du neuf. C’était la combinaison parfaite entre le plaisir de la chasse aux trésors et la possibilité d’avoir une pièce unique que personne d’autre ne possédait.

Achetez-vous encore du vintage aujourd’hui ?

Oui, je passe beaucoup plus de temps à chercher et j’investis davantage dans des pièces de seconde main, vintage et pré-loved. Parfois, j’ai raté une collection que j’aurais voulu acheter, ou bien je tombe sur quelque chose d’inattendu dans une boutique vintage ou un marché et je ressens immédiatement le besoin de l’acquérir, soit pour m’en inspirer, soit simplement parce que j’ai envie de le porter.

Collectionnez-vous une époque ou un créateur en particulier ?

Je collectionne davantage des pièces précises plutôt qu’un designer ou une époque en particulier. Avant, j’essayais de rassembler plusieurs pièces d’un même créateur, mais aujourd’hui, j’aime plutôt l’idée de trouver des choses variées de différentes périodes, ce qui reflète mieux mon style personnel. J’aime avoir des pièces inhabituelles, pas encore découvertes. J’achète aussi beaucoup de vêtements pour hommes, car j’aime apporter une touche de masculinité à ma garde-robe. Mélanger ces influences est toujours intéressant.

Quelles sont vos plus belles trouvailles vintage ?

J’ai deux pièces Chanel du début des années 70 que je garde précieusement : un manteau bleu en tweed bouclé doublé de mouton de Mongolie et un tailleur en tweed camel. Ce sont des pièces fantastiques et très rares—tout ce qui date de cette époque est presque impossible à trouver… Elles font partie de mes pièces favorites, tout comme un minuscule sac panier tressé Chanel que j’ai déniché en Californie. À l’époque, je l’ai acheté parce que je le trouvais original, et aujourd’hui je réalise à quel point il est rare.

J’ai aussi quelques pièces inattendues, comme une robe en crêpe beige de James Galanos avec une ceinture tressée, et un incroyable manteau rouge Guy Laroche des années 60. Je ne porte jamais de rouge—mais cette teinte est sublime, lumineuse tout en étant poudrée. J’ai même essayé de la reproduire, mais c’était pratiquement impossible.

Comment portez-vous du vintage ?

Je mixe toujours le vintage avec des pièces modernes. Je porte souvent des pantalons vintage avec un T-shirt d’homme basique ou un beau pull en cachemire. Un manteau vintage porté sur des pièces contemporaines fonctionne aussi très bien. Si je porte une robe vintage, j’ajoute une chaussure ou un sac moderne, sinon l’ensemble devient trop daté. Mélanger les époques permet de donner aux pièces vintage une attitude et une proportion plus actuelles.

Pourquoi avez-vous commencé à vendre certaines pièces ?

Je revends des pièces depuis six ou sept ans. Parfois, ce sont des vêtements que je ne veux plus, mais je veux aussi leur offrir une nouvelle vie chez quelqu’un d’autre. Je prends soin de mes vêtements de manière presque obsessionnelle : je les archive et les suspends correctement, je contrôle l’humidité et protège les tissus des mites.

La soie blanche ou crème est l’une des matières les plus difficiles à conserver, car elle absorbe tout. Même si une tache ne se voit pas immédiatement, elle peut apparaître avec le temps. Il faut toujours nettoyer ces pièces après les avoir portées et éviter de trop les exposer. Comprendre comment entretenir ses vêtements est un véritable savoir-faire.

J’ai parfois entendu que les vêtements vintage ont une « odeur », mais mon archive personnelle n’a absolument aucune odeur. J’ai des blouses victoriennes brodées, en coton blanc ultra-fin, qui ont plus de 150 ans. Lorsqu’elles sont lavées et entretenues correctement, elles peuvent encore durer 100 ans de plus. C’est quelque chose d’essentiel à transmettre aux nouvelles générations : bien entretenir ses vêtements permet de leur donner une nouvelle vie et de les préserver comme au premier jour. C’est la façon la plus durable de consommer la mode.

Comment décidez-vous de vous séparer d’une pièce ?

C’est une décision difficile, d’où l’ampleur de mon archive… C’est un processus long : je dois revenir plusieurs fois sur une pièce pendant des mois et me demander si je vais la porter ou si je peux la réintégrer dans ma garde-robe. Parfois, cela prend un an ou deux avant que je sois prête à la laisser partir.

Quelles sont les pièces que vous avez consignées ?

J’ai récemment envoyé quelques robes Saint Laurent des années 70, des blouses à nœuds et des manteaux en velours côtelé, ainsi que des pièces de ma collection personnelle Chloé. Chloé et Givenchy sont les maisons dont j’ai le plus d’archives, alors j’ai beaucoup de pièces de défilé uniques.

Quelle a été la pièce la plus difficile à vendre ?

Il y a des pièces que j’ai vendues et que je regrette, mais c’est la vie. Après mon départ de Gucci [en 2004], j’ai fait un tri, car je manquais d’espace. J’ai donné des chaussures incroyables et des pièces de podium, comme une robe de 2003 avec des rubans qui s’échappaient de partout. J’ai hésité longtemps, puis je me suis dit que je ne la porterais probablement pas… J’ai fini par la vendre. Pendant des années, j’ai regretté, mais aujourd’hui, ça va.

Quelle est la pièce que vous ne vendrez jamais ?

Il y en a beaucoup… C’est un vrai problème ! J’ai un tailleur couture que j’ai fait réaliser chez Givenchy, ainsi que plusieurs robes de soirée Chloé, notamment celles de la collection « rainbow festival » du printemps 2016. Ce sont de véritables pièces artistiques, et je sais tout le travail qu’elles ont demandé. Celles-ci, je ne suis pas prête à m’en séparer.

Gardez-vous certaines pièces pour vos filles ?

Mes filles adorent mon archive ! Elles viennent souvent fouiller dans mes pièces des années 90 et 2000, notamment mon ancien Miu Miu et Marc Jacobs. C’est merveilleux de voir ces vêtements porter un regard nouveau. J’aime leur raconter l’histoire de chaque pièce et leur expliquer comment en prendre soin.

Il y a beaucoup de choses que je leur transmettrai dans quelques années : des sacs Chanel, des robes spéciales… Heureusement, elles ont chacune des goûts différents, donc elles ne se disputent pas encore mes trésors !

propos recueillis par Zoe Ruffner

La Sélection de Clare