The Style Series: Ilona Hamer

Bien qu’Ilona Hamer traverse régulièrement les continents — parfois plusieurs fois par semaine —, la créatrice de Matteau et styliste (parmi ses clients : Chanel et Christopher Esber) incarne toujours une élégance sans effort. “Je dis toujours : restez simple et personnel”, explique-t-elle à propos de son approche vestimentaire infaillible, avant d’ajouter : “Je ne suis pas là [sur un shooting] pour faire un spectacle de moi-même.” Et pourtant, grâce à son œil inné pour les subtilités intemporelles — une bague gravée à la main chargée de sens, un t-shirt vieilli par des décennies d’usure —, elle parvient malgré tout à se démarquer. Comme elle le dit : “Aujourd'hui, où tout le monde ‘se photocopie’, [le vintage] est plus important que jamais.”

Quel est ton premier souvenir lié à la mode?

Petite, j’étais obsédée par ma mère que je regardais s’habiller le matin. Elle est assez traditionnelle; pour elle, s’habiller était tout un art, réfléchi et soigné. Dès trois ou quatre ans, j’essayais d’influencer ses choix. Elle raconte que je changeais de tenue tellement de fois par jour qu’il y avait des vêtements éparpillés partout dans la maison, et qu’elle passait son temps à faire des lessives.

Comment décrirais-tu ton style?

En Californie et en Australie, je m'habille complètement pour moi-même, selon mes besoins. À New York et Paris, je suis plus attentive à ce que je fais et à qui je vais rencontrer. Mais avant tout, je dois être confortable. Pour moi, le confort, c’est de bons tissus avec des coupes qui me vont vraiment. Je n’achète plus de talons ni de vêtements que je ne porterai pas. Je suis devenue très pragmatique, ce que j'apprécie avec l’âge.

Quand je regarde des photos de moi à l’époque où je travaillais pour Vogue dans les années 2000, dans une robe en satin bleu électrique Miu Miu par exemple, je me dis: ‘Mais qu’est-ce que tu faisais ?’ J’achetais des pièces en fonction du contexte, de ce que je pensais devoir porter, pas selon mon style personnel. Aujourd'hui, je veux pouvoir me regarder dans cinq ou dix ans et me dire: ‘Oui, ça tient toujours.’ Je ne suis pas attirée par les tendances, mais par ce qui est classique, fonctionnel, durable. Mon travail est ce qu’il y a de plus important, donc tant que je peux bouger librement, c’est ce que j’aime porter.

Quels sont tes indispensables vestimentaires?

Pulls en cachemire, chemises, t-shirts vieux de 30 ou 40 ans — ce genre d’usure, c’est impossible à recréer — et je porte tout le temps des Levi’s ou un pantalon noir. En ce moment, je travaille de chez moi dans un pantalon en coton léger Matteau à cordon — mon alternative au jogging —, et j’emporte toujours notre Relaxed Tailored Trouser en voyage. La semaine dernière, je suis rentrée en Australie et j’aurais pu n’emporter que deux pantalons, cinq t-shirts et un pull. C’est tout ce que j’ai porté.

Quels sont tes signes distinctifs en matière de style?

J’alterne entre une montre Tank des années 70 de Cartier et une Panthère en or de 1985 — aujourd’hui tout le monde l’a, donc c’est un peu gâché, mais elle me ressemble toujours — et je porte les mêmes bijoux tous les jours: ma bague de fiançailles, réalisée par un artiste pour la mère de mon mari et qui ressemble à un bâtiment de Gaudi, une alliance simple en diamant, un bracelet Hardwear en or de Tiffany, et une bague chevalière familiale que j’ai reçue à mes 18 ans. J’ai perdu l’originale en nageant il y a quelques années, donc je l’ai remplacée, mais je cherche toujours à la faire graver à la main — la gravure mécanique, trop parfaite, me déplaît. J’aime que les objets aient une âme, qu’ils soient marqués par la main humaine.

J’adore aussi une pièce de bijou simple mais forte pour le soir — quelque chose qui transforme une tenue minimaliste — comme mon pendentif étoile de mer Elsa Peretti ou mon bracelet manchette en os. J’ai aussi des boucles d’oreilles torsadées Paloma Picasso pour Tiffany, un peu plus lourdes, qui dynamisent une silhouette… mais jamais de façon excessive ! En tant que styliste, je ne suis pas là pour me mettre en avant ; mon but est de faire rayonner les autres. La subtilité est essentielle pour moi.

Quand as-tu commencé à porter du vintage?

Depuis toujours. Jusqu’à mes 18 ans, je passais mes week-ends aux marchés aux puces avec ma mère. Toute la maison de mon enfance était remplie de meubles anciens, certains vieux de 400 ans. Aujourd’hui, chez moi, presque tout date d’au moins 40 ans. J’aime les choses qui ont vécu. Je préfère tourner une clé pour démarrer une voiture que d'appuyer sur un bouton. J’ai une Mercedes de 1989, et le bruit de la portière qui claque est l'un de mes sons préférés au monde.

Comment intègres-tu le vintage dans ton travail de styliste?

J’utilise beaucoup de pièces vintage. Ajouter quelque chose d’ancien rend une image plus personnelle. Aujourd’hui, où tout se ressemble, c’est crucial. Dans une campagne pour Frame, j'ai utilisé une magnifique paire de bottes vintage : elles ont tout changé dans l’image. J’achète aussi récemment quelques bijoux Gucci époque Tom Ford — tout ce cuir et argent massif sexy…

Quand tu travailles avec Chanel, utilises-tu parfois les archives?

Il n’y a rien de mieux que le Chanel vintage. Certains veulent du neuf, d’autres adorent porter des archival. Ça dépend de la personne et du projet. On plonge souvent dans les archives. Le Patrimoine est à Paris, mais les bureaux de New York et Los Angeles possèdent aussi d’incroyables bibliothèques de pièces vintage que j’adore explorer.

Collectionnes-tu un créateur ou une époque particulière?

Je recherche toujours des pièces de Nicolas Ghesquière pour Balenciaga ou de Phoebe Philo pour Céline. Mais récemment, comme nous rénovons notre maison, je me concentre sur des achats pour l’intérieur. Je suis fascinée par certaines céramiques très spécifiques de Jean Lurçat.

Quelles sont tes plus belles trouvailles vintage?

J’ai un pantalon en gabardine de laine Saint Laurent des années 80, taille très haute, avec deux plis devant et derrière... Il est aussi vieux que moi, mais il a l’air d’avoir été fait hier. Chaque fois que je le porte, je me dis: ‘Wow, quel pantalon exceptionnel.'

Quelles pièces sont encore sur ta wishlist?

Je n’ai ni Birkin ni Kelly — et aujourd’hui je ne sais même plus si j’en veux, car elles symbolisent quelque chose avec lequel je ne me sens pas en phase — mais j’adore les sacs Hermès Paris Bombay ou Clemence, beaucoup plus discrets. L’hyper-saturation est bien réelle aujourd'hui. Alors je dis toujours: ‘Si vous aimez vraiment quelque chose, gardez-le pour vous.’ C’est triste de voir des choses précieuses devenir des tendances éphémères. Ce que l’on collectionne forge notre identité, ou du moins notre image de nous-même. Il faut trouver l’équilibre entre le partager et le protéger.

Quelle est la pièce que tu ne donneras jamais?

J’ai une veste motard Balenciaga qui était un vrai Graal à l’époque. Je ne la porte plus, mais elle reste dans mon placard. Et, parlant de Nicolas : tu te souviens des sandales en liège Balenciaga du printemps 2007 qu’Ashley Olsen portait tout le temps ? Je les ai trouvées en ligne pour 150 dollars — impossible de ne pas les acheter, la Ilona de 21 ans aurait été folle de joie. C’est typiquement un truc que je garde sans porter. Il faut parfois satisfaire un désir profond… Et bien sûr, je ne me séparerai jamais d’aucun de mes sacs Chanel. J’ai acheté mon premier Flap en 2007 à Paris, quand je travaillais encore chez Vogue, et depuis, j’ai eu la chance de recevoir plusieurs sacs magnifiques de leur part.

Ton plus grand 'fashion faux-pas' ?

L’inauthenticité. Si on donne l’impression de porter un déguisement, d'être un produit façonné pour plaire aux autres, ça se voit tout de suite. Il y a tout un 'armée' Instagram de filles habillées de la tête aux pieds en The Row ou en copies, et c’est déprimant. Les gens pourraient chercher un peu plus en eux-mêmes et être plus honnêtes et détendus.

As-tu des règles de style?

Gardez les choses simples et personnelles. Collectionnez des objets au fil de vos voyages, choisissez des pièces importantes pour vous — puis utilisez-les, portez-les ! Mon père est décédé il y a quelques années, et j’ai récupéré sa veste en jean des années 60, dans laquelle il a vécu tant de choses. Il a même vu les Rolling Stones au début de leur carrière à Londres avec cette veste. Le col avait fini par s’user, alors ma mère l’avait recousu. C’est sûrement l’objet le plus précieux de ma garde-robe, autant pour son histoire que pour sa beauté. Soyez authentiques : c’est ce qui vous rendra vraiment beaux.

Qu’y a-t-il toujours dans ta valise de styliste?

J’emporte toujours du palo santo, de l’encens et un briquet pour rendre les lieux chaleureux, comme chez moi. Parfois, ça pose problème — comme lors du défilé Christopher Esber au Palais de Tokyo! Maintenant, j'ai aussi un spray de palo santo d’Erewhon dans mon kit, au cas où.

Ton arme secrète en matière de style?

Ma mère ! Récemment, lors d'un shooting à Lanzarote, un flacon d’huile de romarin a explosé dans mon sac, ruinant certains de mes t-shirts vintage préférés. Ma mère les a tous récupérés avec du bicarbonate de soude et du liquide vaisselle en quelques heures. Bien sûr ! Elle coud, répare, peint, tapisse, fait de la composition florale, construit des terrasses… Il n’y a rien qu’elle ne sache faire. Elle appartient à une autre époque. Je me demande souvent: ‘Que ferait ma mère ? Que porterait-elle ?’ Elle est mon icône absolue.

as told to Zoe Ruffner

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