Revue de Style : Angela Hill

Crédits photo : Angela Hill, photographed by Hamish McMillan.
Il y a près de trente ans, la photographe de mode Angela Hill, basée à Londres, a commencé à vendre une poignée de ses livres d’occasion triés sur le volet à la boutique parisienne Colette. Depuis, IDEA Books, qu’elle a cofondé au début des années 2000, a ouvert des espaces dans les Dover Street Market du monde entier, publié des ouvrages en collaboration avec des marques comme Gucci, et—grâce à sa collection unique de titres d’archives recherchés—est devenue une véritable caverne d’Ali Baba pour des figures comme Clare Waight Keller et Nicolas Ghesquière. Il n’est donc pas surprenant que Hill applique son œil de curatrice exigeante à sa propre garde-robe.
Ci-dessous, elle évoque ses règles en matière de style, la mode comme exercice de simplicité, et les pièces dont elle ne se séparera jamais.
Quel est votre premier souvenir de mode ?
Quand j’avais 14 ou 15 ans, nous avions des correspondants en France. La mienne vivait en banlieue parisienne. Lors d’un voyage scolaire, je me souviens d’avoir été particulièrement marquée en voyant les jeunes adolescentes parisiennes. Leur manière de nouer une écharpe, même le parfum qu’elles portaient…
Aviez-vous toujours envisagé de travailler dans la mode ?
Non, tout l’inverse. Je ne considérais même pas la mode comme une carrière. Pour moi, être médecin ou avocate, c’étaient de vraies professions. Tout ce que je savais, c’est que j’étais extrêmement passionnée et obsédée par les vêtements.
Après l’université, je suis retournée à Londres, toujours en train de flâner dans les boutiques. Un jour, je suis passée devant Browns, sur South Molton Street, et j’ai vu une annonce en vitrine : ils cherchaient des vendeurs. J’ai postulé. Puis, Browns a ouvert une franchise Comme des Garçons dans une rue voisine. J’adorais travailler dans cette boutique.
J’ai commencé à assister des rédacteurs de mode et à faire quelques stylismes en solo. Mais un jour, j’ai réalisé que je ne contrôlais pas assez l’image, alors j’ai simplement acheté un appareil photo et appris à photographier moi-même. J’ai travaillé comme photographe dans les années 90, mais je ne gagnais pas assez pour en vivre.
Quand Sarah [Andelman] de Colette, une amie de ma colocataire à Londres, est venue chez moi, elle a vu mes livres vintage et m’a demandé si elle pouvait les acheter. J’ai répondu : « Non, mais je peux t’en trouver des doubles. »
À chaque voyage à Paris, j’apportais quelques sacs en plastique remplis de livres qu’elle me rachetait. Puis, Dover Street Market a ouvert à Londres, et ils m’ont donné un petit espace—une table dans un sous-sol—et l’affaire a pris de l’ampleur.
J’ai abandonné la photographie parce que j’étais devenue désabusée, mais, il y a quelques années, des personnes qui m’avaient connue dans les années 90 m’ont proposé de recommencer certains projets, et maintenant, j’ai repris.
Dans vos photos, même celles réalisées pour Purple et Dazed, les vêtements semblent naturels et spontanés. Y a-t-il une sensibilité stylistique que vous cherchez à capturer ?
Je suis ravie que vous trouviez que la mode dans mes photos a l’air naturelle, car c’est exactement ce que je veux que vous pensiez.
Je suis un cauchemar absolu sur les shootings quand je travaille avec des stylistes, car j’ai des opinions très arrêtées.
Je mélange souvent les vêtements apportés par le styliste avec ceux de la fille elle-même, comme son uniforme scolaire, et je préfère la photographier chez elle ou dans son propre environnement.
Je veux que vous ayez l’impression que je l’ai simplement croisée dans la rue, ou que je suis sa cousine en visite chez elle, ou encore que ces images sont des extraits d’un film… Où va-t-elle ? Elle semble perdue dans son propre monde, tout en étant fascinante à observer.
Dans la préface de votre livre Sylvia, Nadia Lee Cohen écrit : « Angela arrive avec son appareil photo, probablement une casquette, un jean et peut-être un accessoire Hermès en bandoulière. » Quel est votre propre style ?
J’ai une tenue Miu Miu pour chaque jour de la semaine—du Miu Miu de la tête aux pieds, bien que je porte une casquette Celine aujourd’hui. J’ai aussi pas mal de Prada, Hermès, Celine, et maintenant Philo, ainsi que des jogging Supreme et Palace.
Ma silhouette de base, c’est une chemise et un jean, mais si je porte une jupe, j’aime les petits ensembles coordonnés. J’adore le matchy-matchy. Ma pièce préférée est une chemise en soie crème Celine, avec des manches courtes bouffantes et un petit col à volants. Elle est très féminine et élégante. Je la porte avec un jogging crème oversize, roulé en bas, et des sandales à talons Celine.
Je passe ma commande en début de saison chez Miu Miu, et c’est tout. J’ai tellement hâte de les porter !
[Pour la collection automne 2024], j’ai pris les mules en cuir noir, deux ensembles pyjama en blanc et bleu, la robe qui ressemble à une blouse chirurgicale, et le pull col roulé oversize en cachemire marine, qui est tellement grand qu’on peut le porter comme une robe.
J’ai aussi acheté un manteau Prada marine, qui ressemble à un uniforme d’écolière.
Quels sont vos indispensables vestimentaires ?
De manière générale, j’adore la silhouette d’une basket montante, comme les high-tops blanches de Celine. En ce moment, je suis aussi fan de mes trainers Miu Miu issus de leur collaboration avec New Balance.
J’aime aussi les ensembles de yoga—un brassière avec un legging noir extensible—mais je ne porte que du Hermès.
Avec un grand hoodie imperméable zippé, l’ensemble a un super look, ou alors on peut nouer le hoodie à la taille.
J’adore cette silhouette. Mais je la porte comme une tenue mode, pas pour aller à la salle de sport. Dieu m’en garde.

Photo Credit: Angela's Instagram page
Portez-vous ou collectionnez-vous du vintage ? Si oui, quels sont les incontournables de votre garde-robe ?
Je garderai toujours les pulls en cachemire Prada et un pull col rond en cachemire bleu marine Hermès que j’ai depuis des années, ainsi qu’un trench Balenciaga qui tombe sur une épaule.
J’ai porté une robe en soie crème à imprimé floral d’une des premières collections de Demna Gvasalia pour Balenciaga à mon mariage, et je continue de la porter depuis. Elle ne reste pas simplement accrochée en souvenir. C’est une pièce très imprimée—ce que je porte rarement—et pourtant, c’est celle dont je n’arrive pas à me séparer. Chaque fois que je la mets, on me fait mille compliments.
J’aime les vêtements qui ne crient pas leur provenance. Quand on les voit, on sait que c’est quelque chose de spécial, sans pour autant pouvoir deviner d’où ça vient. Je garde aussi mon sac Chanel Flag en cuir crème, car je l’ai porté pour me marier.
Y a-t-il une pièce que vous cherchez encore ?
Il y en a une que je cherche désespérément, comme le reste du monde : le cargo vert kaki de Balenciaga, collection printemps 2002 de Nicolas Ghesquière. Tout le monde les a en noir ou en blanc, mais personne ne les a en kaki.
Je suis sur toutes les listes, et toutes les boutiques spécialisées les recherchent pour moi.
J’adore le vintage militaire. On peut toujours adapter un pantalon d’armée—qu’il soit littéralement militaire ou une version Balenciaga—avec des talons. Ça donne un look incroyable.
IDEA a publié des livres avec plusieurs figures de la mode, comme la styliste Suzanne Koller ou les photographes Glen Luchford et Willy Vanderperre. Comment choisissez-vous vos collaborations ?
Nous travaillons uniquement avec des personnes que nous aimons, c’est un critère essentiel. Beaucoup d’entre eux sont des amis—je connais Glen depuis la fin des années 80—et des personnes que nous admirons depuis longtemps, comme Willy.
J’adore Suzanne Koller depuis ses débuts chez Self Service. D’ailleurs, nous avons un livre en préparation avec elle.
En général, je vais directement vers les gens et j’engage la conversation, ou alors ils passent chez IDEA, achètent des livres et nous disent qu’ils aiment l’endroit. Alors je peux leur répondre : « Moi, c’est vous que j’adore. Vous voulez faire un livre ? »
Y a-t-il quelque chose de particulier dans leur vision de la mode et du style qui vous attire ?
Il faut qu’il y ait un univers visuel que nous sachions bien mettre en valeur et que les gens apprécieront. J’ai publié beaucoup de livres sur la mode, car j’adore l’univers de ces créateurs.
Certaines collaborations, je les ai faites alors que leur esthétique n’est pas la mienne—je ne dirai pas qui !—mais je reconnais leur qualité et leur force visuelle. Alors nous nous lançons, et ça fonctionne à chaque fois.
Avez-vous des règles de style ?
Je poste une tenue par jour sur Instagram, et ça illustre bien mes règles. Par exemple, je ne porte presque jamais de couleurs : je reste sur du bleu marine, du gris, et parfois du vert forêt foncé. Mais c’est une règle pour moi, pas une loi universelle. Je ne suis pas Diana Vreeland à dicter ce qui se fait ou non.
Si quelqu’un veut porter des couleurs vives, du orange, du rouge—mon dieu, du rouge !—tant mieux pour eux.
Y a-t-il des choses que vous détestez en mode ?
- Je déteste les vêtements sans manches. Si c’est un brassière, ça passe, mais une robe sans manches ? Non. Je ne supporte pas.
- Je déteste les Crocs. Elles font leur grand retour, et c’était déjà une catastrophe la première fois.
- Je déteste les grosses baskets moches, celles qui donnent des pieds de cartoon.
- Je déteste les strass et le diamanté.
Et je déteste ce que certains considèrent comme des vêtements « sexy »—tout ce qui est pensé et vendu pour être séduisant.
Les pièces originales d’Alaïa, par exemple, sont sublimes. Mais je les portais pas pour attirer quelqu’un, juste pour ce qu’elles me faisaient ressentir. Ce que je veux dire, c’est que les vêtements doivent me procurer du plaisir, me donner envie de les porter le lendemain.
Quels sont vos livres préférés pour l’inspiration mode ?
- Bernadette Corporation: 2000 Wasted Years, car Bernadette van-Huy est la personne la plus stylée que j’aie jamais rencontrée
- The Interior Book (1979)
- Living Interiors Japan 1980-1985
- Styles of Living: The Best of Casa Vogue
- Paris, Texas
J’ai toujours trouvé mon inspiration dans le cinéma. Comme je l’ai déjà dit, je veux que tout ait l’air d’un film.
Du coup, les livres liés au cinéma me fascinent.
Et, dans ce cas, quels sont vos films préférés pour l’inspiration mode ?
- L'Oie des neiges (The Snow Goose 1971)
- Les Enfants du rail (The Railway Children 1970)
- Le vent garde son secret (Whistle Down the Wind 1961)
- Diva (1981)
- Subway (1985)
- Le Messager (The Go-Between 1971)
- Le Conformiste (The Conformist 1970)
La Sélection d'Angela
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