Histoires De Collectionneurs: Carmen Haid

Dans les années 1970, alors que la consultante Carmen Haid n'avait que cinq ans, elle assistait à son tout premier défilé de mode avec sa défunte grand-mère, une couturière de Haute Couture en Autriche. « J'ai identifié sur le podium toutes les pièces qu'elle avait faites, se souvient Carmen. J'étais tellement éxcitée. Elle m'avait même fait une robe spéciale pour l’occasion.» L'expérience vestimentaire s'est avérée formatrice, débouchant sur une carrière de plus de trois décennies dans la mode. Après avoir gravi les échelons chez Saint Laurent, Gucci et Céline, Carmen Haid a finalement quitté le monde des relations presse.  Elle a décidé de se servir de son amour personnel pour les vêtements et les accessoires d'excellente facture pour lancer Atelier Mayer, une boutique en ligne de vêtements et bijoux vintage. Ici, elle ouvre son épatante collection de bijoux vintage et partage ses meilleurs conseils pour créer la vôtre.

Comment êtes-vous arrivée dans la mode?

Ma défunte grand-mère a définitivement été mon inspiration pour me lancer dans la mode. J'ai grandi en Autriche, mais je ne pouvais pas vraiment y étudier autre chose que le stylisme. J’ai vite su que je ne serais pas designer — je voulais être dans les coulisses — alors je suis allée à Londres et j'ai étudié le management de la mode dans les années 90. Parallèlement à ça, je me suis trouvé un poste d'assistante RP chez Saint Laurent du vivant de Monsieur Saint Laurent et de Pierre Bergé. Monsieur Saint Laurent a décidé de se concentrer uniquement sur la Haute Couture, nous avons donc engagé Alber Elbaz pour la ligne femme et Hedi Slimane pour celle de l’homme. Les deux créateurs n'étaient vraiment pas connus à l'époque. Je me souviens qu'il y avait peut-être 30 journalistes au premier défilé d'Hedi Slimane... Ensuite, Pierre Bergé a décidé de vendre l'entreprise au groupe Gucci, devenu Kering. Une grande partie de la direction a changé parce que c'est Tom Ford qui a pris la direction artistique, mais je suis restée et j'ai dirigé le département pendant encore quelques années. C'était une époque très intéressante dans la mode car c'était à l'époque où les grands groupes se formaient et où naissaient les créateurs vedettes. Ensuite, j'ai participé au lancement de Céline au Royaume-Uni. C'était la marque qu’il fallait défendre au sein du groupe LVMH à l'époque, mais en cinq ans, nous avons réussi à en faire une des plus grandes marques de luxe.

Pourquoi êtes-vous attirée par le vintage?

J'aime la provenance et l'histoire et l'idée que quelqu'un d'autre a possédé l’objet avant moi. Je crois que nous sommes tous des êtres énergiques et parfois vous pouvez tirer une grande énergie d'une pièce vintage, en particulier des bijoux. Les bijoux sont en métal et le métal est un excellent transmetteur d'énergie, si vous l’envisagez du point de vue de la science. Même si les choses sont solides, elles bougent toujours. Avec le métal et les pierres, vous avez des vibrations différentes.

Quelle a été votre première pièce vintage?

J'ai commencé à collectionner dès mon plus jeune âge parce que c'était plus économique et aussi c'était unique - j'aime bien avoir des choses différentes des autres. J'ai aussi adoré les dessins et les matériaux utilisés - certains d'entre eux n'existent plus - comme certains types de résine ou de bakélite ou de lucite ou de sculptures et d'incrustations sur bois. Il est très difficile d'obtenir ce savoir-faire de nos jours. Je me souviens que l'une de mes premières pièces - en fait, je les ai toujours - est une paire de boucles d'oreilles pendantes en émail vintage avec un motif floral et différentes couleurs de bleus et de verts que j'ai reçues pour mon anniversaire.

Quelles époques ou créateurs vous attirent le plus?

J'adore Eisenberg des années 30 et Joseff d'Hollywood qui était le premier bijoutier de Los Angeles. Il a créé de belles pièces pour des actrices telles que Greta Garbo dans Camille, Marlene Dietrich dans Shanghai Express et Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent. Dans les années 40, le fabricant allemand Schreiner a produit des pièces pour Dior et avait également sa propre ligne de superbes pièces à collectionner. Je suis aussi toujours attirée par les années 60 et 70 et les bijoux de l'ère spatiale.

Est-ce important pour vous que les pièces que vous collectionnez soient signées?

L'idée de logos lourds et de bijoux de marque n'a pris son envol que dans les années 70, connaissant son apogée dans les années 80 avec la sortie de nombreux produits sous licence, ce qui a dilué l'image de marque. Par exemple, Pierre Cardin avait même des rouleaux de papier toilette de marque et Yves Saint Laurent vendait des cigarettes de marque. Dans les décennies précédentes, cependant, tout n'était pas signé. Les bijoux Chanel Haute Couture n'étaient pas signés, mais ils sont toujours reconnaissables en raison de la façon distinctive dont l'arrière a été moulé. Dans les années 60, Roger Scemama dessine des bijoux Haute Couture pour Yves Saint Laurent. Ces pièces sont rares et convoitées, mais elles ne sont pas toutes signées. Il n'est pas nécessaire d'acheter uniquement des bijoux vintage signés car c'est trop contraignant. Un bon œil reconnaît les pièces remarquables avec un design exquis et un savoir-faire artisanal, qui va bien au-delà de la signature.

Collectionnez-vous encore?

Je ne vais pas à la recherche des pièces. Si je tombe sur une pièce vraiment intéressante, je vais la regarder et peut-être que je vais l’acquérir, mais ce n’est pas comme si j’avais besoin de me constituer une collection de bijoux vintage car j’en ai pas mal. Lorsque j'envisage d'acheter un bijou vintage, je regarde toujours le design, les matériaux et les techniques utilisées, ainsi que l'état général.

Portez-vous une partie de votre collection?

Bien sûr ! Je les porte tout le temps. Je mélange et assortis toujours. Je pense que c'est la seule façon de porter du vintage. Vous pouvez porter une paire de baskets avec une paire de boucles d'oreilles ou de bracelets couture fabuleux. Je suis aussi une grande fan des bracelets.

Quelle est votre plus grande trouvaille vintage?

Probablement mes premiers clips d'oreille Chanel des années 30 et 50, ou des boucles d'oreilles pendantes Yves Saint Laurent Haute Couture des années 60 conçues par Scemama.

Y a-t-il une pièce qui vous a échappé?

Beaucoup de gens dans le vintage ne veulent pas vraiment vendre leurs pièces parce qu'ils sont très attachés à leur collection, et j'ai été comme ça pendant un certain temps, mais c'est l'art du lâcher prise.

Avez-vous des conseils pour quelqu'un qui souhaite créer sa propre collection de bijoux vintage?

Une bonne façon de commencer une collection de bijoux vintage est de rechercher et de découvrir de nouveaux matériaux – optez pour un style, puis regardez le créateur – et achetez des pièces que vous porterez. Le vintage est beau quand vous le portez et lui donnez une nouvelle tournure. Mélangez-le et assortissez-le à votre garde-robe actuelle. Pourquoi ne pas porter une bague Haute Couture avec un sweat à capuche?

mots confiés à Zoe Ruffner 

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