Yves Saint Laurent

Chanel a libéré les femmes. Yves Saint Laurent leur a donné le pouvoir.

- Pierre Bergé

Génie. Fragile. Nomade. Timide. Torturé. Taiseux. Passionné. D'innombrables adjectifs ont été utilisés pour décrire le talent et la complexité de M. Yves Saint Laurent.

À seulement vingt et un ans, Yves Saint Laurent est devenu le plus jeune couturier du monde, succédant à M. Dior à la tête de sa Maison après son décès. Sa première collection, connue sous le nom de  collection « Trapèze », suit scrupuleusement les silhouettes de la Maison et est accueillie avec brio. Malgré son jeune âge, Yves Saint Laurent a cherché à provoquer ses contemporains et à moderniser la façon dont les femmes s'habillaient. Les collections qu’il dessina par la suite ont introduit des coupes, des imprimés et des tissus très dynamiques pour l’époque. Défiant les normes strictes de la couture parisienne des années 1950, il provoque un scandale, et c’est ainsi que le jeune créateur et Dior finissent par se séparer.

Et pourtant, Yves Saint Laurent avait raison. Dans les années 1960, la société avait tellement évolué que les codes de la Haute Couture étaient devenus obsolètes. Les femmes voulaient être libérées. Elles voulaient s'habiller élégamment, sans effort et à moindre coût. Inspiré par la rue et ayant une vision plus inclusive de la mode, Yves Saint Laurent ouvre sa première boutique de prêt-à-porter en 1966, devenant ainsi le tout premier couturier à le faire.

L’impact majeur d’Yves Saint Laurent et de ses collections de prêt-à-porter est celui de la libération et de l’émancipation. La fin des années 1960 a été marquée par les révoltes sociales et la révolution sexuelle. Les femmes ne voulaient plus être liées à une vision étroite ni datée de la féminité, elles voulaient être libres de se sentir belles avec leur définition moderne de ce que signifiait la beauté. Yves Saint Laurent a célébré cette beauté non seulement en étant témoin de cette époque, mais en l'absorbant totalement. En 1966, il présente peut-être sa pièce la plus mémorable, le smoking. C'était la première fois qu'un couturier prenait un vêtement pour homme et l'adaptait à la femme. C'était puissant, élégant et intemporel. Il était aussi en avance sur son temps et la clientèle haute couture de Saint Laurent ne l'a pas compris - il n’en a vendu qu’un seul. A l'inverse, sa clientèle plus jeune, plus avant-gardiste et habitant rive gauche a adoré. Le smoking est depuis devenu un emblème de la Maison, et est revisité presque chaque saison.

Pour une femme, le smoking est un vêtement indispensable dans lequel elle se sentira toujours à la mode, car c'est un vêtement qui a du style et pas un vêtement à la mode. Les modes passent, le style est éternel.

-Yves Saint Laurent

L'approche brouillant les pistes du genre de Saint Laurent en matière de mode s'est poursuivie l'année suivant l'introduction du premier tailleur-pantalon pour femme, lorsqu’il imagina l'emblématique veste Safari en 1968 et la combinaison en 1969. Ces pièces étaient toutes inspirées de la mode masculine et réadaptées pour le vestiaire féminin. La veste Safari et la combinaison étaient à l'origine des vêtements fonctionnels plutôt que des vêtements à la mode. Le génie d'Yves Saint Laurent consistait à prendre des pièces utilitaires et à les retravailler pour en faire des incontournables intemporels de la garde-robe féminine. Ce faisant, il a introduit un sentiment de pouvoir dans la garde-robe féminine, jusque-là plutôt réservé aux hommes.

Mon style est androgyne. Parce que j’avais remarqué que les hommes avaient beaucoup plus confiance en eux, dans leurs vêtements et que les femmes n’avaient pas tellement confiance en elles. Alors j'ai cherché à donner cette confiance et à leur donner la ligne.

-Yves Saint Laurent

Toujours en résonance avec l’air du temps, les années 1970 ont inauguré une vague de style bohème et d'exotisme influencé par le fait qu'Yves Saint Laurent passait de plus en plus de temps à Marrakech, sa ville de coeur, avec les muses Loulou de la Falaise, Talitha Getty et Betty Catroux. Alors que ses silhouettes des années 1960 libéraient et émancipaient les femmes, ses silhouettes des années 1970 les émancipaient en les glorifiant : de la tristement célèbre collection Scandal de 1971 de mini-jupes et plateformes à la collection Opéra des Ballets Russes de 1976, foisonnante de turbans opulents et de lamé, en passant par les Chinoises de 1977, collection riche en couleurs et en textures.

Plus de quarante ans plus tard, les créations d'Yves Saint Laurent sont non seulement aussi faciles à porter qu'elles l'étaient à l'époque, mais tout aussi stimulantes. Il a conçu et célébré une multitude de femmes différentes, pour différentes occasions. Il a compris l'importance de mélanger glamour et opulence avec des tenues de jour classiques et intemporelles. La modernité inhérente que ses pièces dégagent encore fait de lui, pour nous chez Re-SEE, le designer le plus important du 20e siècle.